La Grande Médaille d'or de l'Aéro-Club de France et les astronautes

L'Aéro-Club de France (AéCF), qui fête ses 120 ans en octobre de cette année, décerne depuis 1900, sa Grande Médaille d'Or qui récompense une ou des personnalités ayant contribué de façon exceptionnelle au progrès de l'aéronautique, puis aussi depuis les années 1960, de l'astronautique.

Aujourd'hui, 29 janvier 2018, c'est l'astronaute Français Thomas Pesquet qui a été honoré au siège de l'AéCF et a reçu cette Médaille des mains de Catherine Maunoury, présidente de l'Aéro-Club de France. L'occasion de revenir un petit peu sur l'histoire de l'Aéro-Club de France et beaucoup sur les astronautes honorés par cette prestigieuse récompense.

(Thomas Pesquet, Catherine Maunoury et Lionel Suchet du CNES)
(Crédit : Aéro-Club de France / via twitter)

L'idée de la création de l'Aéro-Club de France est née suite à une ascension en ballon de trois amis : Ernest Archdeacon, Léon Serpollet et le Comte Henri de  la Valette.

Une autre ascension en ballon avec Jules Verne et son épouse, Léon Serpollet, Henri Michelin et le Comte de la Valette, confirme cette idée de création du premier aéro-club au monde. Avec l'aide d'autres personnalités, comme Jules-Albert de Dion, Henry de la Vaulx, Henry Deutsch de la Meurthe et Alberto Santos-Dumont, c'est chose faite : L'Aéro-Club de France naît le 20 octobre 1898.

(Carte représentant le timbre des 100 ans de l'AéCF signée par l'artiste)

D'autres pays vont créer aussi par la suite ''leur'' aéro-club national (Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, USA...) et c'est le regroupement de ces aéro-clubs nationaux qui va donner la création de la Fédération Internationale d'Aéronautique (FAI) en octobre 1905.

Le brevet de pilote d'avion

Parmi les premières ''choses'' dont va s'occuper l'AéCF, c'est la délivrance des premiers brevets de pilotes d'avions au monde. Si des brevets de navigabilité avaient été délivrés aux pilotes de ballons dès 1901, ce n'est que le 1er janvier 1910 que sont délivrés les premiers brevets de pilotes d'avion.

Mais 16 brevets avaient déjà été donnés sans examens en 1909, tous à des pionniers de l'aviation - Pour ne pas faire '' de jaloux'', ces seize brevets ont été décernés par ordre alphabétique : Louis Blériot (brevet n°1), Glenn H. Curtiss (brevet n°2), Léon Delagrange (n°3), Robert Esnault-Pelterie (n°4), Henry Farman (n°5), Ferdinand Ferber (n°5 bis), Maurice Farman (n°6), Jean Gobron (n°7), Comte Charles de Lambert (n°8), Hubert Latham (n°9), Louis Paulhan (n°10), Paul Tissandier (n°10 bis), Henri Rougier (n°11), Alberto Santos-Dumont (n°12), Orville Wright (n°14), Wilbur Wright (n°15).

Le Capitaine Ferber, premier pilote d'un avion motorisé en France en mai 1905, s'est tué accidentellement le 22 septembre 1909.

On peut remarquer également qu'il n'y a pas de brevet n°13 et que trois pionniers français ne font pas partis des brevetés : Clément Ader, Henri Fabre et Gabriel Voisin.

(clin d'oeil historique avec ce 1erJour hommage à Curtiss signé par Chuck Yeager,
récipiendaire de la Grande Médaille d'or de l'AéCF en 1987)

La première aviatrice brevetée au monde est la française Elisa Deroche plus connue sous le nom de Baronne Raymonde de Laroche (1882-1919). Elle obtient son brevet en mars 1910 (n°36).

Au 2 août 1914, date de déclenchement de la première guerre mondiale, l'AéCF a délivré exactement 1 738 brevets de pilote (sans compter les 16 premiers).

Les 16 et 17 juin 1912 a lieu le 1er Grand Prix d'Aviation de l'Aéro-Club de France lors d'une course Angers - Cholet - Saumur qui sera remportée par Roland Garros sur son Blériot-Gnome.

L'Aéro-Club de France a eu plusieurs sièges, dont le premier qui se trouvait à l'Automobile Club de France (place de la Concorde) avant celui qu'il occupe depuis 1931, au 6 rue Galilée à Paris.

(Inauguration du siège actuel le 14 mars 1932 par
le Président de la République Paul Doumer et son épouse)
(Photo de presse de l'agence Rol)

La Grande Médaille d'Or est donc décernée depuis 1900 et le premier lauréat a été le Comte Henry de la Vaulx (1870-1930) pour être le détenteur, à l'époque (avec le Comte de Castillon qui recevra la Grande Médaille d'Or en 1913), de la plus grande distance parcourue en ballon : Paris (France) à Korystichev (aujourd'ui en Ukraine) soit 1 925 km  en 35 heures de vol non stop.

Depuis cette date, la médaille a été décernée à de très nombreuses personnalités de l'aviation bien sûr, mais aussi, pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, du monde spatial :

1969

L'équipage d'Apollo 11

Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins

La médaille est remise aux trois hommes lors de leur visite postflight (le fameux Presidential Goodwill postflight tour / Giant Leap Tour d'Apollo 11) à Paris le 8 octobre 1969.
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C'est la première fois que des astronautes reçoivent la Grande Médaille de l'AéCF. Elle a été remise aux trois hommes par le président d'alors, Bernard Dupérier (ancien as de la seconde guerre mondiale).
C'était aussi la troisième fois que des américains recevaient cette médaille - Les Frères Wright l'avaient reçu en 1908 et Charles Lindbergh en 1927.

(état de service des trois hommes au moment de la récompense)

La mission Apollo 11 s'est déroulée du 16 au 24 juillet 1969.

Neil Armstrong (1930-2012) est le commandant de cette mission Apollo 11 et devient le premier homme à marcher sur la Lune le 20 juillet 1969 (heure américaine / 21 juillet heure universelle) sur la Lune. Ancien pilote d'essais du NACA et de la NASA (notamment sur les avions fusées X-1B, D-552-II et X-15), il avait été le commandant de la mission Gemini 8 en mars 1966 qui avait réalisé le premier arrimage entre deux vaisseaux.

Buzz Aldrin (1930) est le pilote du module lunaire Eagle de la mission Apollo 11. Il devient le 2ème homme à marcher sur la Lune. Pilote de combat de l'US Air Force et ingénieur, Buzz Aldrin a déjà volé auparavant lors de la dernière mission du programme Gemini, Gemini 12 en novembre 1966.

Michael Collins (1930) est le pilote du module de commande Columbia qui va tourner autour de la Lune, seul, pendant qu'Armstrong et Aldrin y marcheront. Ancien pilote d'essais de l'US Air Force, Il avait déjà volé dans l'espace lors de la mission Gemini 10 en juillet 1966.

1970

L'équipage d'Apollo 13

James Lovell, Fred Haise et Jack Swigert 

Il s'agit de l'équipage de la mythique mission Apollo 13 (qui s'est déroulée du 11 au 17 avril 1970) qui faillit tourner à la catastrophe lorsque l'un des réservoirs d'oxygène et d'hydrogène du module de commande Odyssey explose alors que les trois hommes sont en route pour la Lune.
Avec beaucoup de sang-froid de la part des trois astronautes, à l'ingéniosité de la part des équipes au sol, et aussi grâce au LEM Aquarius, la mission se termine bien après un tour de la Lune et un retour sur Terre saine et sauve. Mais James Lovell et Fred Haise ne marcheront jamais sur la Lune.

(état de service des trois hommes au moment de la récompense)

James Lovell (1928), ancien pilote d'essais de l'US Navy, est le commandant de cette mission. C'est un vétéran des missions spatiales. Il a été pilote de la mission Gemini 7 en décembre 1966 pour le premier rendez-vous spatial entre deux vaisseaux (avec Gemini 6), il a commandé Gemini 12, la dernière mission du programme Gemini en novembre 1966 où il volait avec Buzz Aldrin (honoré de la médaille de l'AéCF en 1969). Il a été également pilote d'Apollo 8, le premier vol habité autour de la Lune en décembre 1968. Il aurait dû marcher sur la Lune avec Fred Haise.

Fred Haise (1933), ancien pilote de chasse de l'US Marine Corps et pilote d'essais de l'US Air Force, effectue là sa première mission spatiale. En temps que pilote du LEM Aquarius, il aurait dû également marcher sur la lune avec James Lovell.

John ''Jack'' Swigert (1931-1981) est un ancien pilote de chasse et d'essais de l'US Air Force. Il effectuait là sa première mission. Affecté à l'origine sur Apollo 16 comme pilote de module de commande, il remplace Ken Mattingly trois jours avant le décollage d'Apollo 13.
Mattingly a été en contact avec un des enfants de Charlie Duke qui avait contracté la rubéole. Ne l'ayant pas eu enfant, Mattingly a été écarté pour éviter qu'il risque de déclarer la maladie en vol (il ne la développera jamais).

1981

L'équipage STS-1

John Young et Robert Crippen

Il s'agit là de l'équipage du premier vol d'une navette spatiale. Columbia s'est envolée pour l'espace le 12 avril 1981 avec John Young comme Commandant et Robert Crippen comme pilote.

La Grande Médaille d'Or leur sera remise lors de leur séjour à Paris pour le Salon du Bourget 1981.

(état de service des deux hommes au moment de la récompense)

John Young (1930-2018) est un ancien pilote d'essais de l'US Navy. Il était en 1981 l'astronaute ayant le plus d'expérience de vol spatial et effectuait avec STS-1 sa 5ème mission.
Sélectionné en 1962, il avait été le pilote de la première mission habité Gemini, avec Gus Grissom : Gemini 3 en mars 1965. Puis avait commandé la mission Gemini 10 en juillet 1966 avec laquelle il vola en compagnie de Michael Collins (honoré par l'AéCF en 1969).
Il est ensuite le pilote du module de commande Charlie Brown pour la mission Apollo 10 en mai 1969 - répétition générale de la mission Apollo 11.
Le 21 avril 1972, il devient le 9ème homme à marcher sur la Lune lors de la mission Apollo 16.
Et donc, il effectue en tant que Commandant le premier vol d'une navette spatiale, Columbia, lors de la mission STS-1 du 12 au 14 avril 1981.

Robert Crippen (1937) est un ancien pilote de chasse et d'essais de l'US Navy. Il effectuait là sa première mission spatiale.

1986

Patrick Baudry

Patrick Baudry (1946) est un ancien pilote de chasse et d'essais de l'Armée de l'Air française.
Il est sélectionné par le CNES comme astronaute en 1980 et il est doublure de Jean-Loup Chrétien, premier français dans l'espace lors de la mission Soyouz T-6 PVH en juin 1982.

En 1984, il est sélectionné comme PS (Payload Specialist = spécialiste de charge utile) par la NASA pour la mission STS-51G. Il devient le premier français à voler dans une navette spatiale lors de cette mission qui se déroule du 17 au 24 juin 1985.

1997

Claudie André-Deshays (Haigneré)

Shannon Lucid et Elena Kondakova

Cette année-là, l'AéCF décide de mettre à l'honneur des femmes.

(état de service des trois femmes au moment de la récompense)

Claudie André-Deshays (1957) est une médecin sélectionnée par le CNES en 1985. Elle devient la première française dans l'espace lors de la mission Soyouz TM-24 Cassiopée du 17 août au 2 septembre 1996 où elle passe 15 jours 18 heures 23 minutes dans l'espace.

Shannon Lucid (1943) a été sélectionné en 1978 dans le groupe 8 de la NASA en tant que MS (Mission Specialist = spécialiste de mission). Au moment où l'AéCF décide de l'honorer, Shannon Lucid est la femme astronaute-cosmonaute la plus expérimentée. Elle a en effet volé cinq fois : STS-51G en juin 1985 (avec Patrick Baudry honoré en 1986), STS-34 en 1989, STS-43 en 1991, STS-58 en 1993 et surtout MIR 21-22 en 1996 où elle va restée 188 jours dans la station russe MIR.
En tout, lors de ses cinq vols, Shannon Lucid aura passé 223 jours 02 heures 50 minutes dans l'espace.

Elena Kondakova (1957) est une cosmonaute russe sélectionnée en 1989.
Elle passe, lors de sa mission  MIR 17 en 1994-1995 plus de 169 jours à bord de la station spatiale russe MIR.
Elle revole en mai 1997, cette fois à bord d'une navette spatiale, pour la mission STS-84 (où vole également l'astronaute français Jean-François Clervoy).
Au cours de ses deux vols spatiaux, Elena Kondakova a passé 178 jours 10 heures 41 minutes dans l'espace.

2000

Jean-Pierre Haigneré

Jean-Pierre Haigneré est un ancien pilote de chasse et pilote d'essais de l'Armée de l'Air française.
Il est sélectionné comme astronaute en 1985.

Il effectue son premier vol, Soyouz TM-17 Altaïr pour la station spatiale MIR, du 1er au 22 juillet 1993 et reste 20 jours 16 heures 08 minutes dans l'espace.

Il effectue son deuxième vol spatial en 1999. C'est un vol de longue durée à bord de MIR - mission Soyouz TM-29 Perseus / MIR 27. Il reste dans l'espace 188 jours 20 heures 16 heures, ce qui était à l'époque le record de durée pour un astronaute non-américain et non-russe.

Lors de ces deux vols spatiaux, Jean-Pierre Haigneré est resté 209 jours 12 heures 24 minutes (ce qui reste encore aujourd'hui le record de temps cumulé dans l'espace pour un français).

2002

L'équipage de Soyouz TM-33 Andromède

Claudie haigneré, Victor Afanassiev et Constantin Kozeïev

C'est l'équipage Soyouz TM-33 Andromède qui est récompensé en 2002. A bord, Claudie Haigneré qui reçoit sa deuxième distinction par l'AéCF. Elle devient la première européenne à bord de la nouvelle Station Spatiale Internationale (ISS).

Claudie Haigneré (1957). Avec ce deuxième vol du 21 au 31 octobre 2001, elle aura passé en tout 25 jours 14 heures 22 minutes dans l'espace.

Victor Afanassiev (1948) est le Commandant de cette mission vers l'ISS. Ancien pilote de chasse de l'armée de l'air russe, il est sélectionné comme cosmonaute en 1985.
C'est un vétéran des vols spatiaux qui a déjà effectué trois missions de longue durée à bord de MIR auparavant : Soyouz TM-11 / MIR 18 en 1990-1991 avec 175 jours, Soyouz TM-18 / MIR 15 en 1995 avec 182 jours et Soyouz TM-29 Perseus / MIR 27 avec 188 jours en 1999 (il volait avec Jean-Pierre Haigneré honoré en 2000).
Victor Afanassiev a passé, au cours de ses quatre missions, 555 jours 18 heures 32 minutes dans l'espace.

Constantin Kozeïev (1967) est un ingénieur sélectionné comme cosmonaute en 1996. C'est son premier vol spatial. Il reste 9 jours 19 heures 59 minutes dans l'espace

2018

Thomas Pesquet 

Thomas Pesquet (1978) est un astronaute français sélectionné en 2009 par l'ESA. C'est un ancien ingénieur et pilote de ligne d'Air France.
Du 17 novembre 2016 (heure de Baïkonour) au 2 juin 2017, il passe 196 jours 17 heures 50 minutes dans l'espace et l'ISS lors de la mission Proxima (Expedition 50/51).

Sa mission a suscité un énorme engouement auprès du public et notamment des jeunes.
(voir ses interviews et la dizaine de reportages publiés sur Space Quotes - Souvenirs d'espace et sur Space Relics .

C'est donc ce lundi 29 janvier 2018 que Thomas a été honoré et qu'il a reçu la Grande Médaille d'Or de l'Aéro-Club de France des mains de sa présidente Catherine Maunoury.

Thomas Pesquet a tenu à rappeler << son attachement au monde de l'aviation, ses liens forts avec l'espace et sa volonté à poursuivre non seulement ses missions scientifiques, mais aussi son engagement dans les valeurs portées par l'Aéro-club de France. >>

(Crédit : Aéro-Club de France / via twitter)

Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969

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