(Sauf mention contraire, les photos et illustrations sont de ma collection personnelle)
Frank
‘’Kelly’’ FREAS
est né le 27 août 1922.
À la fin de ses études, il entre dans l’United
States Army Air Forces (ancêtre de l’USAF) et devient photographe à bord d’avions
de reconnaissance.
Il peindra aussi le nez des bombardiers, le fameux ‘’nose art’’.
Il peindra aussi le nez des bombardiers, le fameux ‘’nose art’’.
Après la guerre, il envisage de
poursuivre des études artistiques et travaillera dans la publicité.
En novembre 1950, sa première couverture
pour un magazine est publiée dans Weird
Tales. Ce sera ‘’the piper’’pour
illustrer la nouvelle ‘’la troisième ombre’’ de H. Russell Wakefield.
Puis à partir de 1952, il commencera à publier très régulièrement des couvertures pour des magazines de science-fiction comme Weird Tales, Planet Stories, et à illustrer des livres pour l’éditeur Gnome Press.
Puis à partir de 1952, il commencera à publier très régulièrement des couvertures pour des magazines de science-fiction comme Weird Tales, Planet Stories, et à illustrer des livres pour l’éditeur Gnome Press.
Sa technique et ses œuvres à la peinture
détonne dans un monde de l’illustration où l’aérographe est roi.
En plus de 50 ans de carrière, le ‘’Doyen
des artistes de Science-fiction’’ comme il était appelé (Dean of Science fiction
artists) aura illustré, dessiné, créé, plusieurs centaines de couvertures, d’illustrations,
dessins humoristiques, etc… pour des
livres, des maisons d’éditions et des magazines… Il a publié chez Astounding Science Fiction, Ballantines Books, Avon, Ace, et bien sûr, des couvertures pour Mad Magazine.
Bref, sa carrière artistique a été très
riche, et outre la science-fiction et l’héroic fantasy, il a fait de l’illustration
publicitaire, médicale et aussi musicale. Il est l’auteur de la célèbre couverture
du non moins célèbre album New of the World du groupe Queen de 1977,
inspirée d’une première couverture publiée en octobre 1953 par Astounding Science Fiction.
Son travail a été récompensé par de
multiples récompenses dont 10 Hugo Award du meilleur artiste entre 1955 et 1976
(et un supplémentaire pour l’ensemble de sa carrière en 2001), 4 Locus Award du
meilleur artiste entre 1972 et 1975, ainsi que 3 Chesley Awards, etc, etc…
(Couvertures primées et signée par Frank Kelly Freas) |
Ses œuvres sont exposées dans de
nombreux musées et institutions comme le Smithsonian.
Frank Kelly Freas a été honoré également
par le Science Fiction Hall of Fame.
Frank Kelly Freas meurt le 2 janvier
2005 à l’âge de 82 ans.
Ce que l’on connait moins, c’est son
travail pour la NASA.
La NASA ne pouvait pas ‘’mettre de côté’’
un artiste comme Frank Kelly Freas qui représente si bien le spatial, même si c’est
au travers de la science-fiction.
C’est fin 1971 que l’équipage de Skylab
1 (ce qui était à l’époque Skylab 1) le contacte pour concevoir le logo de la
première mission Skylab. Le 1er 1972, la NASA montre publiquement le
logo.
Il représente la station spatiale Skylab
au-dessus de la Terre qui elle-même éclipse le soleil.
Comment a été créé le logo pour la
mission ? Et bien, le mieux est de laisser Frank Kelly Freas en parler
lui-même.
Dans le magazine Analog Science fiction / Science Fact de juin 1973, Frank Kelly
Freas raconte sur 9 pages la saga de la création de ce logo.
Copyright Frank Kelly Freas / Traduit en français d’après une
copie signée que Frank Kelly Freas m'a envoyée en 1997.
SKYLAB PATCHWORK
Par Frank Kelly Freas
Comment un artiste interprète une simple
déclaration comme "concevoir un logo pour le patch du premier équipage de
Skylab’’ et conçoit une image qui symbolise les travaux, les espoirs et les les
rêves de toute la Skylab team’’.
C’était Ben Nova au téléphone : ‘’Cela
te dirait de concevoir le patch de du premier équipage de Skylab ?’’
‘’J’adorerai’’
‘’Bien, je leur ai donné ton adresse et
ton numéro de téléphone, et s’ils ne t’ont pas contactés d’ici quelques jours,
voici le le téphone de Kerwin…’’
Quarante-sept heures et cinquante neuf
minutes plus tard, j’étais au téléphone avec Houston : ‘’c’est au sujet du
patch…’’
Tout artiste a certains travaux dans son
esprit pour lesquels il aimerait pouvoir être payé, et je l’imaginais comme
cela pour ce patch. Mais d’emblée, Joe Kerwin a bien précisé que c’était un
travail, et non un cadeau. La NASA ne peut être impliquée dans aucun accord
commercial et ne veut pas être redevable à quelqu’un non plus.
Pour encore les quelques uns qui le
savent pas, les astronautes de tous les lancements Apollo ont porté sur l’épaule
un patch distinctif de chaque mission.
L’utilisation première de ce logo est d’être
imprimé sur les combinaisons ignifugées des astronautes, mais aussi comme le
découvrira le collectionneur, ce logo est décliné, fabriqué et vendu en patch
pour être cousu sur des vestes et chemises, mais aussi comme autocollant,
cendriers, porte-clés, presse-papier, et tout ce qu’un fabriquant pourra
imaginer.
J’ai suggéré aux astronautes de me
donner leurs idées premières et de me laisser quelques dessins, photos et
informations générales sur Skylab. J’avais lu deux semaines auparavant l’article
de Joe Green sur Skylab et je pensais être une autorité sur le sujet – mais quand
une énorme boite arriva du Manned Spacecraft Center de Houston, j’ai commencé à
me dire que cela n’était pas du tout le cas.
J’ai mis deux jours complet à tout lire,
et là, j’étais devenu une vraie autorité (je précise, pour mon cas, que devenir
une autorité n’est que provisoire, et ce que j’apprends pour travailler sur un
sujet est souvent oublier lorsque je change de sujet). De temps en temps, j’arrive
à sauver quelque chose, et Skylab est certainement une de ces choses.
Joe Kerwin m’avait laissé aussi une
description très précise du rôle de Skylab et de ce qu’on allait y faire.
En attendant je pensais aux aspects techniques à rendre
dans le logo. Il devra être brillant, simple et comme un poster.
Il devra être conçu pour pouvoir être cousu facilement, être reproduit en patchs brodés ou reproduit en sérigraphie.
Il devra avoir du contraste pour pouvoir bien ressortir sur les photos N&B.
Il faut penser aussi au lettrage – pensée horrible.
Je pourrai le concevoir en très grande taille et la réduction ensuite pourrait cacher mes erreurs, mais cela pourrait trompeur en regard de la qualité de détail que je pourrai mettre dans le design de l’ensemble.
Il devra être conçu pour pouvoir être cousu facilement, être reproduit en patchs brodés ou reproduit en sérigraphie.
Il devra avoir du contraste pour pouvoir bien ressortir sur les photos N&B.
Il faut penser aussi au lettrage – pensée horrible.
Je pourrai le concevoir en très grande taille et la réduction ensuite pourrait cacher mes erreurs, mais cela pourrait trompeur en regard de la qualité de détail que je pourrai mettre dans le design de l’ensemble.
Je décide finalement de travailler à
deux fois l’échelle. Cela me ferait un cercle d’un diamètre d’environ 20 cm,
mais pas de problèmes, car le papier que j’utilisais me permettait un cercle de
18 cm maximum de diamètre.
Le lettrage devrait faire environ 3 cm
car toute taille inférieure rendrait la broderie de ces lettres très moche et
illisibles sur un patch final.
Il n’y aucune loi qui dit qu’un patch
doit être rond. Que diriez-vous d’un triangle ou d’un pentagone – non, rayez ça
– d’un octogone peut-être. Mais j’avais affaire à Skylab, qui a plutôt des
formes complexes, avec plein d’angles, quelque soit le côté d’où vous la
regardez – ceci avait besoin de courbes lisses et simples pour compenser.
Pour ma clientèle, j’ai l’habitude de faire des croquis en incorporant
les suggestions données par le commanditaire.
Cette méthode permet deux choses : de gagner du temps en écartant tout ce qui pourrait nous éloigner du sujet et de permettre au client de visualiser son idée et mon idée.
Si un client pouvait de lui-même visualiser ce qu’il recherche, et bien il n’aurait pas besoin des artistes.
Le rôle du client, outre de payer la facture, est de donner les bonnes informations à l’artiste, ainsi que la sensation de ce qu’il voudrait. A charge pour l’artiste alors, de rendre cela sous une forme visuelle.
Cela ne m’a pas pris longtemps pour tester, et écarter, des idées de dessins comme des chariots de Conestoga (ndlr = chariot des pionniers de l’ouest), cornes d’abondance, galions, etc… ainsi qu’une colombe de la paix.
Encore une fois, les astronautes ont choisi le meilleur des deux. Si le deuxième était sans conteste plus joli, il manquait de puissance et d’impact par rapport à celui choisi.
Il y a eu plusieurs ajustements pour au final obtenir cette forme noire qui est là.
Une fois cela terminé, je pouvais le
mettre avec les couleurs définitives. Le logo et le patch étaient prêts… enfin
presque !
Cette méthode permet deux choses : de gagner du temps en écartant tout ce qui pourrait nous éloigner du sujet et de permettre au client de visualiser son idée et mon idée.
Si un client pouvait de lui-même visualiser ce qu’il recherche, et bien il n’aurait pas besoin des artistes.
Le rôle du client, outre de payer la facture, est de donner les bonnes informations à l’artiste, ainsi que la sensation de ce qu’il voudrait. A charge pour l’artiste alors, de rendre cela sous une forme visuelle.
Cela ne m’a pas pris longtemps pour tester, et écarter, des idées de dessins comme des chariots de Conestoga (ndlr = chariot des pionniers de l’ouest), cornes d’abondance, galions, etc… ainsi qu’une colombe de la paix.
La nature même et la fonction de Skylab
ne facilitaient pas la trouvaille d’un symbole adéquat.
J’ai donc arrêté de chercher des idées
avec symboles et j’ai commencé à travailler sur la forme du Skylab lui-même. Il
est devenu très vite clair que ce n’était que de cette manière que j’y
arriverai. Pas d’effets en 3D, pas de perspective, pas d’angles – juste une
silhouette à plat. Skylab deviendrai son propre symbole.
Il m’est également apparu que la forme,
la silhouette avait quelque chose de vraiment familier. Le symbole même
qu’était devenu Skylab était étonnement familier. Etait-ce un symbole
alchimique, sigle religieux, signe de sortilège ? J’ai interrogé plusieurs
personnes érudites dans le symbolisme et toutes en ont reconnues un symbole,
mais qu’ils ne pouvaient identifier.
La forme étant décidée, les possibilités
étaient élargies. Devions-nous souligner la relation de Skylab avec la Terre,
ou celle avec le soleil en tant que laboratoire solaire unique ? Essayons
les deux.
Parmi les nombreuses suggestions, les
astronautes avaient émis l’idée d’une éclipse solaire vue depuis Skylab. Il est
bientôt apparu clairement que cette idée résoudrait plusieurs problèmes d’un
coup ! La fonction d’étude du
soleil par Skylab me permettait la grande forme circulaire de la Terre et la
connexion entre celle-ci et Skylab, en opposition à la rotondité du soleil. De
plus, cela me donnerait le contraste nécessaire pour une meilleure visibilité
et un meilleur rendu du patch.
Quand à la couleur, je pourrai utiliser
les bleus, marrons et violets de la Terre sur fond noir, et la richesse de
l’Univers serait visible grâce aux rayons en différentes nuances de jaune du
Soleil. Mais je gardais à l’esprit, que nous pourrions aussi ajouter des rayons
lumineux en rouge et orange. Les éruptions du soleil pourraient être jolies
ainsi si cela ne surcharge pas trop le dessin.
Pendant ce temps-là, une devise
bourdonnait dans ma tête – Out of this
world – naturellement. On pourrait ajouter ‘’pour le bien du monde’’ en
latin, ce qui donnait avec mon mauvais latin ‘’Ad Auribus in spatio’’. La
devise est belle mais on n’en voudrait certainement pas.
"Nous préférons la devise en
anglais, plutôt qu’en latin fit remarquer Joe Kerwin. Cela serait plus compréhensible
par un maximum de personnes. Nous avons aussi pensé à ‘’Replenish in the
world’’".
Finalement, après quelques propositions,
nous avons décidé de ne pas mettre de devise.
J’ai travaillé sur plusieurs versions
colorisées que j’ai envoyées à Houston. Mon choix numéro un portait sur une
version avec un effet bague diamant. Les astronautes ont sélectionné deux
propositions, qui étaient, il faut le dire, les deux meilleures conceptions.
Ils avaient eu un bon jugement, ce qui est rare, même s’ils n’ont pas choisi
celle que je trouvais la meilleure. C’était leur insigne, leur logo, après
tout.
J’ai conçu de grands dessins des deux
propositions, en faisant très attention à souligner les meilleures
caractéristiques de chacun des deux logos, afin que le choix soit fait sur les
‘’mérites’’ réelles de chacun d’eux.
Encore une fois, les astronautes ont choisi le meilleur des deux. Si le deuxième était sans conteste plus joli, il manquait de puissance et d’impact par rapport à celui choisi.
Il y a eu plusieurs ajustements pour au final obtenir cette forme noire qui est là.
Le lettrage a été un calvaire… plus de
483 essais avant d’arriver à quelque chose de correcte, quand je me suis aperçu
que j’avais inversé les e et i de Weitz.
Je pensais pouvoir résoudre cela sans difficulté, mais comme l’espacement entre les lettres n’était plus le même, il m’a fallu décaler les trois noms à gauche, et réajuster le contraste du fond pour avoir le bon contraste.
Je pensais pouvoir résoudre cela sans difficulté, mais comme l’espacement entre les lettres n’était plus le même, il m’a fallu décaler les trois noms à gauche, et réajuster le contraste du fond pour avoir le bon contraste.
Ensuite, j’en ai fais un exemplaire très
soigneux en noir et blanc pour faciliter mes instructions que devaient suivre
le fabricant du patch et la mise au point de ses machines à broder.
Sur les machines de broderies, les fils colorés sont piqués en fonction du support de matériel désiré. C’est normalement une grille spéciale avec les couleurs indiquées respectivement par un nombre.
Il existe environ 500 nuances de couleur par … couleur. Une personne traduit cette grille et la code pour la machine, on l’appelle une bande. Mais avec mon logo, l’opération déjà assez complexe l’était dix fois plus.
Sur les machines de broderies, les fils colorés sont piqués en fonction du support de matériel désiré. C’est normalement une grille spéciale avec les couleurs indiquées respectivement par un nombre.
Il existe environ 500 nuances de couleur par … couleur. Une personne traduit cette grille et la code pour la machine, on l’appelle une bande. Mais avec mon logo, l’opération déjà assez complexe l’était dix fois plus.
La bande indique à la machine, quand
doit s’arrêter un fil, quand il doit reprendre, tourner, etc … On le voit au dos des patchs. Et
il faut faire attention à ce que tout reste visible et lisible.
Il faut penser à ce genre de chose, la
broderie d’un patch, lorsque l’on fait un logo. On peut faire le plus beau
dessin du monde, mais si celui-ci n’est pas pensé ‘’patch brodé’’, alors soit
il ne pourra pas être brodé soit il le sera, mais il sera très moche.
C’est pour cela que j’ai fait le premier
dessin en noir et blanc, afin de tester les couleurs en broderie.
(On ne peut qu'admirer le résultat ! Ce patch est d'ailleurs considéré comme un des plus beaux jamais réalisés) |
Restait l’étape de la validation par la
NASA et l’équipage. J’envoyais donc mon travail et un patch à Houston, et ma récompense
était là, une approbation générale !
Mais il y avait un petit mais, un peu
gêné. Il fallait que je signe une lettre promettant de ne pas commercialiser à
titre personnel le logo.
"Pas de problème" ai-je
répondu. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait. J’ai envoyé ladite
lettre immédiatement.
Quelques semaines plus tard, l’équipage
m’avait invité à assister au décollage de Skylab 1. Joe Kerwin avait laissé une
enveloppe pour moi. A l’intérieur se trouvait un chèque pour mon travail.
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